Monique Bonjour et bonjour à toutes et à tous,

Il vaudrait mieux ne pas se lancer dans de longs discours, mais, c'est bien difficile de faire court, quand il y a tellement de choses à dire en une telle occasion . Il vaudrait mieux aussi, que ces quelques mots ne ressemblent pas trop à une oraison funèbre. Il y a encore tellement de choses à faire, quand, aux environs de la soixantaine, on se retrouve tout à coup plus maîtresse que jamais de disposer à sa guise de nombreuses années, à vivre encore.
Mais autour de la reine d'un jour, les amis et collègues réunis, sont aspirés par l'occasion donnée d'évoquer par le menu tellement d'heures lointaines, vécues ensemble, dans la joie ou dans la peine, que faire trop court, ne serait pas juste.

Quand j'étais jeune et que je traversais Lens ou sa banlieue dans le fourgon de « Louis la Brocante » que conduisait mon père, plâtrier, il désignait : « Cette maison là, c'était un bon chantier » et celle là, et cette sous-préfecture et cette gare, etc. Un parcours fléché permettait de visiter Lens et ses environs, en noir et blanc.

Beaucoup plus tard, au début de mon deuxième mandat d'adjoint à Noyelles, j'ai rencontré dans son jardin, un ancien mineur, qui pleurait presque en me disant que ses épuisantes années de travail étaient toutes parties en fumée et qu'il n'en restait rien. Rien de visible, sauf les terrils, qu'il était ému de contempler en espérant qu'on les protège, car ils fournissaient à tous la preuve matérielle, qu'il avait sué au bagne pour monter des pyramides.
Des plafonds de plâtre, des montagnes de pierre, voilà du solide, de l'incontestable sur quoi illustrer un retour sur soi-même.

Mais pour nous, gens de l'éducation, gens de la formation, de quoi les années sont-elles faites pour rendre tangibles les efforts consentis pour gagner sa vie ? Il nous reste des nuages, des sourires qui passent, de merveilleux souvenirs.
Je crois que c'est en écoutant le vieux mineur, que j'ai décidé en 2001 de me lancer une nouvelle fois, avec beaucoup d'autres, dans un type d'animation nommée cette fois « Mémoires de Mine » après avoir conduit, avec Monique aux avant postes et Josiane à mes côtés, des opérations dites « Ma vie de mineur » à Noyelles, à la ferme Mametz, en 1978 puis « Mineurs ouvriers paysans » en 1980, à Fouquières et à deux pas d'ici.

Elle était à la fête Monique, elle travaillait avec moi à « Peuple et Culture », pour le peuple et pour la culture.
J'espère ne pas me tromper, en me réjouissant encore de lui avoir signé, en compagnie de ma mère, sa première vraie feuille de paie pour un vrai premier salaire, dont elle se souvient sans doute du maigre montant, gagné de haute lutte pourtant, après avoir accumulé assez de militantisme et de connaissances, dans les corons, les écoles et les stages puis au CUEEP de Gérard MLEKUZ, pour pouvoir y prétendre.

Elle gagnait enfin sa vie par elle-même mais aussi grâce aux quelques sous gagnés et épargnés par les bénévoles et les autres permanents que furent, antérieurement ou parallèlement, les Frédéric THEBAUD, les Martine et Jacques HEDOUX., les Eric GARNIER, Bernard GUILLON, Eric SPROGIS ou Didier HESPEL sans oublier Alain CADET, Alain FALIU et quelques autres, la liste serait longue. Puis en leur compagnie, à Sallaumines, à Villeneuve d'Ascq, à Paris et jusqu'en Israël où je crois, elle ne retournera jamais, elle a nourri ses compétences d'une multitude d'expériences et d'études nouvelles et enfin de diplômes, jusqu'à en faire pâlir certains qui s'étaient arrêtés à l'image de la Monique des premières jours, chez les bonnes sœurs, pas si bonnes que cela et auprès de voisines, d'assistants sociaux ou d'examinateurs, à la compassion douteuse.

Loin de nourrir un doute quelconque, ce sont ces compétences et ces réussites qui nourrissent en moi des instants de fierté, quand Monique m'affirme, la part que depuis longtemps, j'y ai tenue.

Elle a accumulé les animations, parmi lesquelles, ces moments de grâce vécus au cours de la première année passée à Merlimont avec les retraités des industries électriques et gazières et avec Catherine L'HELGOUACH qui finançait l'action en accompagnatrice exigeante et bienveillante.

Parmi lesquelles, ces chouettes heures passés au CUEEP à voir, à penser et agir puis à écrire et jouer sur scène, comédiens maladroits, une pièce mémorable faite de coupe-couture et de science fiction, qui nous faisait imaginer la vie en l'an 2000.

Sans oublier les moments plus durs qui permettent aussi de mesurer les êtres, en les voyant s'affirmer fidèles à leurs idées et à leurs protecteurs quand, de nouveau à Merlimont l'année suivante, Monique, un bras et toutes ses forces dans le plâtre, je me suis retrouvé sans vigueur et sans inspiration en découvrant dans la souffrance qu'à ce moment là, je n'étais rien sans elle.

Sans oublier les jours où, vidé de la présidence de Peuple et Culture Nord pour avoir soutenu un grand directeur de la Rose des vents à Villeneuve d'Ascq, vidé lui même par un maire qui voulait faire d'un grand théâtre une salle de patronage, Monique a pris mon parti, offrant à son tour béquille à ma conviction.

Sans oublier la position qu'elle a prise en choisissant de ne pas rester salariée de PEC quand un gouvernement de droite a supprimé le poste d'instituteur mis à disposition que j'occupais et qu'il m'a fallu quitter, au bout du rouleau et dans la douleur, l'éducation populaire à plein temps.

On dit que les épreuves sont formatrices. Monique a eu sa dose mais bien souvent elle les a noyées dans l'humour pour faire passer la pilule. Ce sont ses peines, ses douleurs et ses rires qui l'ont aidée à aider les autres à s'en sortir aussi, au point de laisser des traces éducatives, immatérielles comme on dit, mais durables et profitables chez de nombreux stagiaires, collègues et amis au point que beaucoup, peuvent lui dire merci.

Mais j'apprends qu'en amicale compagnie elle prépare un livre. Je n'en connais rien, mais à l'égal du plâtre écrasé et des schistes accumulés, j'en suis sûr, ces futurs écrits témoigneront eux aussi de ce quelle fut, quand des lecteurs à venir la découvriront en haut d'une étagère.

Petit bout de fillette puis de jeune fille perdue parmi les mines, elle a épousé un mineur, pour devenir MAYEUX sans abandonner la NEDELKOVIC qu'elle est toujours, sans abandonner, j'espère son adresse à déboucher les bouteilles et les canettes, car sa dextérité en la matière, a permis à beaucoup de libérer leur parole autour des bars qu'elle animait dans les stages, les fêtes, les Universités, au nom d'une éducation populaire bien comprise à laquelle elle doit une bonne part de ce qu'elle est devenue, en notre compagnie.

Fouquières-lez -Lens, le 1er Avril 2009 Raphaël LLUCH



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